Marion Torrent : « La ville va vibrer »
Publié le 02/04/2019
Le 4 mars face à l’Uruguay (6-0), Marion Torrent a fêté sa 18ème sélection en Équipe de France. Formée au MHSC, la latérale droite héraultaise retrace son parcours, se projette sur cette Coupe du Monde en France (7 juin – 7 juillet) et sa dimension symbolique à Montpellier.
« Dans le cadre de votre préparation, vous rencontrez à la fois des équipes participant au Mondial mais aussi certaines non qualifiées. Que vous apporte cette diversité ?
C’est la stratégie du staff d’essayer de nous montrer toutes sortes d’équipes auxquelles on pourrait être confrontées. Lors du Mondial, il faudra être capable de s’adapter. Si on sort de la phase de groupes (*), on ne sait pas sur quels adversaires on pourra tomber. C’est pour cela que l’on joue, que l’on fait le tour des continents, avec des équipes de tout niveau et tout style. Face à l’Uruguay par exemple, on ne savait pas forcément à quoi s’attendre car leur équipe était en plein renouveau, notamment avec des jeunes joueuses qui apportent de la fougue. On n’a pas pris le match à la légère même si, sur le papier, l’équipe était plus faible que notre précédent adversaire, l’Allemagne (0-1). On continue à travailler pour gagner, bien sûr, mais aussi, montrer du beau jeu.
Vous évoluez au MHSC depuis l’âge de 12 ans. Qu’avez-vous ressenti en apprenant que Montpellier était retenu parmi les neuf villes hôtes ?
Que notre ville de cœur soit sélectionnée pour accueillir des matches de Coupe du Monde (5 en tout), c’est plus que positif. C’est gratifiant et c’est une belle reconnaissance pour son investissement dans le football féminin. Certes, avec l’Équipe de France, on ne jouera pas dans ce stade-là, c’est dommage. Mais cela n’empêchera pas la ville de vibrer pendant un mois au rythme d’un événement sportif international. Je suis persuadée que cela aidera à augmenter l’intérêt pour la pratique. C’est une ville sportive, les équipes recevront forcément un accueil chaleureux de ses habitants.
Le début des années 2000 en France a été marqué par une nouvelle étape avec la création de la première section féminine au sein d’un club professionnel français, impulsée par le président du MHSC de l’époque, Louis Nicollin. Quel regard portez-vous sur son engagement ?
Oui, le président Nicollin a donné un véritable élan au football féminin montpelliérain mais aussi en France en général. Il a mis tout son cœur dans ce projet de développement, malgré les obstacles. Car on le sait, le football féminin ne rapporte pas autant de recettes que le football masculin. C’était encore moins le cas il y a presque 20 ans. Lui, a choisi d’investir sans compter, c’était le choix d’un passionné. On lui sera toujours redevable de nous avoir donné cette chance. Il a, en quelque sorte, montré l’exemple à Lyon, Paris et à d’autres clubs. Nous essayons d’ailleurs de lui rendre hommage chaque week-end avec des bons résultats pour faire perdurer ce qu’il a entamé.
Vous êtes arrivée très jeune au sein du club. Racontez-nous votre état d’esprit d’alors…
Quand on vous expose le projet, on ne s’en rend pas encore compte de tout ce que cela implique. On vous propose de faire des études et de taper dans le ballon, tous les jours. Évidemment à cet âge-là, on signe tout de suite ! L’alternative on la connaît, dans un club non professionnel, c’est de jouer uniquement le mercredi et le samedi. Après c’est quand on est dans le vif du sujet qu’on voit l’ensemble du tableau, les sacrificies mais aussi tous les bons moments. J’avais la chance de ne pas être très loin de mes parents qui habitaient à 1h30 seulement de Montpellier. Le plus difficile était de passer de familles d’accueil en familles d’accueil, de ne pas être à son aise jamais parce que déjà on ne sent jamais vraiment chez soi. Même l’internat, entre copines, reste difficile car c’est une vie en collectivité. On se sent plus épanouie quand on intègre son propre appartement. À 17 ans, quand j’ai pu signer mon premier contrat pro, j’ai eu cette chance d’avoir mon indépendance. Mais c’est justement là où le travail de professionnel(le) entre en jeu car il faut donner plus, travailler plus pour avoir la chance de jouer et espérer signer ce fameux contrat. Plus ton niveau s’améliore, plus ton contrat évolue. Et c’est cette évolution qui m’a permis de vivre uniquement de ma passion. Je ne regrette pas les sacrifices et les coups durs. Ils m’ont permis d’atteindre mes objectifs.
Vous êtes originaire de la région Champagne. Aujourd’hui, Reims, club emblématique du football féminin, est aux portes de la D1. Qu’en pensez-vous ?
Je ne suis pas restée très longtemps dans la région et je me sens beaucoup plus sudiste. Pourtant je suis vraiment contente pour Reims et le travail effectué. Pour le football français, cela fait une structure professionnelle en plus qui rejoint l’élite. Le club a un beau projet pour sa section féminine, les moyens sont là et c’est encore une preuve supplémentaire pour l’intérêt grandissant de la pratique. Il faut que les clubs suivent ce chemin. Avoir des clubs pros en D1 mais aussi en D2 améliorera forcément le regard des Français sur la discipline.
Plus que deux mois avant la Coupe du Monde ! Au-delà des objectifs sportifs visés par les Bleues, qu’espérez-vous de cette compétition ?
Il faut que cette Coupe du Monde en France envoie un message fort et positif. Nous les premières, en Équipe de France, souhaitons qu’il y ait de plus en plus de licenciées, de plus en plus de clubs qui investissent dans la création d’équipes et de plus en plus de structures professionnelles. Le but est aussi d’intéresser les médias, qui aident à populariser la pratique. Ce Mondial doit lancer un cercle vertueux pour le développement du football féminin. Pour le moment, les signaux sont au vert, on voit que l’engouement a pris. »
Réalisé par Julia Chenu
(*) L’Équipe de France féminine affrontera la République de Corée (7/06 à Paris), la Norvège (12/06 à Nice) et le Nigeria (17/06 à Rennes).