Marie : Championne du monde

Publié le 04/04/2018

Marie Battistella n’est pas une femme comme les autres. Elle joue au football et, depuis juillet dernier, elle est championne du monde avec l’équipe de France de foot-fauteuil. Rencontre avec une passionnée.

Si je vous dis Ariège, Coupe du monde et gardien de but, vous allez penser au divin chauve, Fabien Barthez. Oui, très bien. Mais pas que ! Depuis l’été dernier, donc presque vingt ans après, Marie Battistella a rejoint son voisin et idole de toujours. Elle est originaire de l’Ariège, de Coutens, près de Lavelanet, le berceau de la famille Barthez, joue gardienne de but et est championne du monde de foot-fauteuil !

Cette jeune femme d’une trentaine d’années, née avec une maladie génétique, n’a jamais connu autre chose que le fauteuil roulant. Et elle n’a jamais pu jouer à autre chose qu’au football.

«J’étais scolarisée dans un établissement spécialisé, à Ramonville-Saint Agne, près de Toulouse, et c’est là qu’on m’a fait découvrir à l’âge de 15 ans le foot-fauteuil. La première année, ce n’était qu’en loisirs, puis je suis devenue remplaçante, puis en équipe première, et j’ai développé peu à peu mes qualités au poste de gardienne».

Pendant des années, Marie Battistella va jouer avec son établissement, même quand elle commencera à travailler, comme assistante de direction dans un cabinet de podologues du sport.

 

«Il y a cinq ans, nous étions quatre à toujours jouer avec le lycée de Ramonville et nous avons décidé de fonder un club à Toulouse, le TFFC (Toulouse Foot Fauteuil Club) ». Dont les initiales sont presque identiques avec qui vous savez, et dont les maillots sont violets et blancs…

«Nous avons créé le club, sans fauteuils et sans maillots. On n’avait rien ! Il faut savoir qu’un fauteuil coûte 12000 euros… Un jour, j’étais sur la place du Capitole, à Toulouse. Un monsieur me demande comment ça va… C’était le directeur de la CPAM et il nous a financé deux fauteuils ! ».

Le geste somptueux de ce monsieur, parti depuis à la retraite, sera suivi de coups de main tout aussi importants, un fauteuil de la mairie de Toulouse, un du Crédit Agricole 31, un de Carrefour via son opération des Boucles du Coeur. Pendant ce temps, le nouveau club toulousain, qui compte aujourd’hui sept joueurs, est monté en D1, et Marie a pu poursuivre sa progression.

Les Bleus depuis 2013 «Ma première sélection en équipe de France Espoirs date de 2002, les A, c’est venu en 2013. Il n’y a pas de match, nous ne faisons qu’un ou deux stages par an, sauf les années de Coupe du monde, où le sélectionneur supervise jusqu’à une soixantaine de joueurs. En 2017, nous sommes allés nous préparer à Alicante, et à Limoges où l’équipe de France a une structure très importante ».

Si Marie dit « nous », c’est qu’elle n’est alors pas la seule Toulousaine sélectionnée. Son coéquipier Tristan Delmas, parti depuis à Auch, fait partie des Bleus, qui vont en juillet 2017 défier les Américains, chez eux, en Floride, à l’occasion de la troisième Coupe du monde de foot-fauteuil. Les USA ont gagné les deux premières éditions, en 2007 au Japon où la France a perdu en finale aux tirs au but, en 2011 en France où ils ont éliminé les Bleus en demi-finale.

S’ils nous ont battu à Paris, c’est que notre gardien était fatigué », se souvient Marie.

La leçon a porté ses fruits puisqu’au moment de partir aux États-Unis, le sélectionneur français décide de convoquer pour la première fois deux gardiens, dont Marie Battistella. «J’ai joué le match d’ouverture, le quart de finale et une mi-temps de la demi-finale. Deux gardiens, ça aide vraiment. En finale, nous avons battu les Américains chez eux ! Ils avaient déjà une troisième étoile sur leur maillot, d’une autre couleur… »

L’entraîneur du TFFC, David Vergé, éducateur au Carla-Bayle en Ariège, était alors le préparateur mental des Bleus. Depuis septembre dernier, il en est le sélectionneur. Il nous a raconté que les Américains ont annulé le feu d’artifice prévu après la finale, et que la cérémonie des récompenses a été écourtée…

Voilà qui n’enlève rien à l’immense bonheur de Marie Battistella. L’Ariégeoise, qui disputait sa première compétition internationale, est devenue la première femme française à gagner une Coupe du monde. L’événement est d’autant plus rare qu’il n’y qu’une autre gardienne dans le monde, au Canada…

On comprend que le District de l’Ariège a tenu à la récompenser en décembre dernier, au moment de son AG d’hiver. Michel Charrançon, président délégué de la LFO, Jean-Pierre Massé, président du District, et les dirigeants ariégeois ont tenu à lui décerner une médaille d’or du mérite et un maillot de l’équipe de France floqué et dédicacé par Antoine Griezmann, une autre des idoles de la jeune femme, exemplaire pour tous les sportifs, et pas seulement du milieu handicapé.
 

A la découverte du foot-fauteuil

Il se joue, sans aucune limite d’âge, à trois joueurs de champ et un(e) gardien(ne), sur un terrain de basketball, en deux périodes de vingt minutes.

Une équipe a le droit d’attaquer à quatre. Mais un seul défenseur a le droit d’être en même temps que le gardien dans ce qu’on appelle « la boîte », une zone devant les buts, qui font 6 mètres de large.

Le ballon, d’un diamètre de 30 centimètres, est une fois et demi plus gros qu’un ballon de football. Il est lesté afin de ne pas trop rebondir.

Le fauteuil est électrique, avec des roues arrière anti-bascule. Il est beaucoup plus bas qu’un fauteuil classique, coûte environ 12000 euros, sans les options.

La vitesse des marches arrière et avant est limitée et contrôlée dans les grandes compétitions. « En championnat de France, il y a des tricheurs », assure Marie Battistella, « le handicap n’exclut pas le vice ! »

La puissance du moteur électrique est surprenante. Si le joueur n’est pas attaché, jambes, buste et une main, l’autre utilisant le joystick, ses jambes peuvent décoller. L’un des joueurs du TFFC a même perdu sa chaussure sur un tir !

Le fauteuil est équipé de pare-chocs devant et sur les côtés. Ce sont eux qui protègent le joueur et permettent de pousser le ballon, de lui donner de la vitesse et de tirer.

Le ballon n’a pas le droit de monter au dessus des 50 centimètres. Marie Battistella a fait ajouter une barre à son fauteuil, qui a été contrôlé… à 48 centimètres de haut.

Les matches sont arbitrés par un arbitre assisté de deux juges de touche.

En France, on compte environ 70 clubs répartis en D1, D2, D3 et National. Le championnat se joue sur cinq week-ends par an, compte tenu de la difficulté des déplacements, incluant plusieurs matches. Une club reçoit au moins une fois. Le TFFC est en D1 dans une poule de dix équipes, avec Villeneuve-d’Ascq, Limoges, Lorient, Auch, Chatenay-Malabry, Vaucresson, Kerpape, Grafteaux (2e club de Villeneuve-d’Ascq) et Lyon.

Auch est le meilleur club de France. Il en est à trois titres consécutifs et est aussi champion d’Europe.

La première Coupe d’Europe des Nations aura lieu en 2019 en Finlande.

En Occitanie, outre Toulouse et Auch en D1, Montpellier joue en D2 et Nîmes en D3.

Le TFFC s’entraîne une fois par semaine, le mardi soir, au gymnase Arnauné (à côté du stade des Minimes).

David Vergé, l’entraîneur du TFFC, est aussi le sélectionneur de l’équipe de France.

Nicolas Volcke, joueur du TFFC, vient d’être appelé en équipe de France.

Un fauteuil coûte 12000 euros, mais il faut aussi compter 15000 euros par an de déplacements d’une équipe de sept joueurs, avec autant d’accompagnateurs, dans deux mini-bus spécialement équipés.

On trouve tous les renseignements sur le Facebook du Toulouse Foot Fauteuil Club qui compte sur votre générosité pour financer les fauteuils qui lui manquent et pour répondre aux demandes d’inscription. N’hésitez pas, ils sont formidables !

On peut aussi se renseigner sur le site de la Fédération Française Handisport, ou sur foot-fauteuil.net.

La Coupe du monde de 2017 est visible sur Youtube, grâce à Piknik Sport.

 

Texte : Patrick Boudreault,

Photos : Jean-Jacques Barreault et FFH.

Article extrait du journal numérique de février 2018

Par Alexandra Salendres

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